E-cover ou l’art de réinventer des secondes vies
E-Cover est une entreprise de recyclage qui transforme les pneus usagés en revêtements de sol. Ses carreaux sont « flexibles, antidérapants, résistants à l’eau et au feu, personnalisables, thérapeutiques, étanches et amovibles ». Ils peuvent être utilisés pour construire des aires de jeux, des devantures de maison, des dalles pour jardins, des terrains de sports…
Reconnue par l’Union Européenne pour son action en faveur de l’environnement, E-Cover vient de lever un financement de plus de 200 millions de FCFA.
Un début pour le moins particulier
Si on vous dit “hachoir à viande”, vous penserez probablement à un bon pain de viande ou à de succulentes pâtes à la sauce bolognaise. Et pourtant, c’est en dehors de la cuisine que cet ustensile a montré toute son utilité pour Yaye Souadou Fall alors âgée de 20 ans. Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle s’en sert pour broyer les pneus qui jonchent les rues de la capitale sénégalaise afin de leur offrir des fonctions plus profitables à la population. Dans son petit atelier, et armée de son matériel de fortune, Souadou hache, bricole et tente de dompter le pneu, sans compétence aucune, mais bien déterminée à le recycler. À quelle fin ? Elle passe des heures, puis des mois sur Google pour mieux affiner son offre. Elle fait des tests, arrive enfin à dompter sa matière première, puis réalise ses premiers carreaux faits main.
Sa solution, E-Cover, qui consiste essentiellement à produire des carreaux, commence à prendre vie. Mais avec son mode de production artisanale et rudimentaire, la jeune entrepreneuse arrive à peine à élaborer 3 carreaux par mois. Il faut se rendre à l’évidence. Il faut bien plus qu’un hachoir pour réaliser son projet d’entrepreneuriat vert. Il est temps de franchir une autre étape : celle de la recherche de financement.
Financer son entreprise quand on débute
30 000 FCFA (moins de 50 €), c’est le capital de départ dont disposait Yaye Souadou. Pour trouver les fonds nécessaires lui permettant d’augmenter sa capacité de production, elle se tourne vers le crowdfunding. Mais si ce concept semble bien fonctionner sous d’autres cieux, en Afrique, on y était plus réticent. Souadou arrive à mobiliser une communauté acquise à sa cause, hélas le soutien financier ne suit pas. Qu’à cela ne tienne, elle gagne tout de même en visibilité sur ses travaux.
Elle participe à des concours dont le célèbre Anzisha Prize en 2016, pour lequel elle remporte le deuxième prix dénommé « First Runner Up Environmental 2016 » et la somme de 15000 dollars, parmi 550 entrepreneurs issus de 32 pays du continent.
D’un simple hachoir à une unité de production
Le financement de Anzisha marqua le début d’une nouvelle aventure, plus grande, avec plus d’impact. Ainsi, d’un unique hachoir, la promotrice passe à 20 appareils, puis à une mini unité de production, de quoi assurer la transformation de davantage de pneus. Avec les pneus recyclés, elle crée des semelles de sandales et plus de carreaux. Ses produits sont bien accueillis, la demande suit. Et avec elle, le besoin en matières premières et en main-d’œuvre.
Pour combler ce besoin, elle fait appel aux jeunes du quartier de Bambilor où l’unité de production est installée et de ses alentours. Le lieu n’a d’ailleurs pas été choisi au hasard. C’était un peu le carrefour de toutes sortes de lots de pneus jetés ci et là et de nombreux jeunes sans emplois.
Reconnaissance et financement
L’écologie est au centre même de la démarche de Yaye Fall. En bonne citoyenne, sa première réflexion fut d’assainir Dakar sa ville. Dans ces conditions, voir son entreprise reconnue par l’Union Européenne pour son action en faveur de l’environnement lors de la COP 22, sonne comme une consécration.
L’année 2020, marque aussi un réel tournant pour la start-up avec un financement de WIC Capital (216 millions de FCFA). Ce qui lui permet enfin de faire passer son unité de production au niveau semi-industriel, et ainsi répondre à la demande de ses clients, de manière plus sereine.
Avec E-COVER, l’acteur de référence dans le recyclage des pneus usagés au Sénégal, rien ne se perd, tout se transforme. La start-up continue de transformer les déchets de pneus en carreaux, en semelles de chaussures et en revêtement pour participer à son échelle à résoudre les problèmes de gestion des déchets au Sénégal et peut-être plus tard dans la sous-région. Fanaka & Co suivra de près son évolution.